Le chasseur et son ombre by Martin George R.R

Auteur:Martin, George R.R. [Martin, George R.R.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: sf
Publié: 2008-01-31T23:00:00+00:00

15

Les deux jours suivants, Ramon et Maneck cheminèrent dans la forêt, l’homme ouvrant la marche, l’alien sur ses talons. Ils faisaient des pauses pour que Ramon mange et boive, pisse et chie, mais ne se reposaient que la nuit. L’autre Ramon établissait des campements de fortune, dormant une nuit au creux d’un pin-de-lait frappé par la foudre, la suivante dans un abri construit à la va-vite. Il n’était plus question de foyer ni de cabane comme dans ses premiers campements, et Ramon comprenait pourquoi. Son jumeau fuyait pour de bon. On était dans la dernière ligne droite.

Ils découvrirent trois autres poil-ras sur leur chemin, mais Ramon était persuadé qu’ils en avaient manqué plusieurs. La piste qu’ils suivaient devenait alléchante pour les charognards de São Paulo. Ramon repérait sans cesse de nouvelles traces de chupacabra ; des crottes nauséabondes sur le chemin, des arbres tailladés par des griffes puissantes, et, une fois, un appel lointain où perçait à la fois la solitude et le désir de meurtre.

Maneck restait distant et réservé, mais plus déchiffrable qu’au début. L’alien semblait reprendre des forces et de la solidité à l’issue de chaque repos nocturne. Ramon n’était plus troublé par des rêves étranges et ils ne reparlaient plus de tatecreude, de meurtre, d’Enye et de génocide. Les souvenirs continuaient à submerger Ramon de temps à autre : épisodes de son enfance, scènes banales de son voyage dans le vaisseau enye, de son débarquement à São Paulo. Il s’aperçut qu’il parvenait plus facilement à les ignorer en focalisant son attention sur le chemin.

La coulée atteignit le fleuve au milieu de la matinée du troisième jour. Le grand Rio Embudo. Il était si large qu’on distinguait à peine l’autre rive ; ce qui, de loin, apparaissait comme un fin ruban s’étirait en une étendue limpide d’eau glacée, vive et lisse. Les racines à nu des arbres massés sur les rives traînaient dans le courant comme des doigts épais. Ramon était convaincu que l’autre était passé par là, qu’il avait contemplé ce même paysage, bien que nulle empreinte humaine ne souillât la rive boueuse. Mais combien de temps auparavant ? Et vers où était-il allé pour construire son radeau ? Ramon laissa son esprit retourner le problème, les yeux perdus dans les rayons du soleil qui faisaient miroiter la surface de l’eau. Qu’aurait-il fait, lui, s’il s’était retrouvé ici, libre, fuyant l’alien et évitant le chupacabra ?

Grattant sa barbe rare, il se mit à longer la rive d’un pas pesant en direction du sud. Maneck suivit sans un mot, laissant le sahael pendouiller entre eux comme une corde. L’eau murmurait doucement. Dans d’autres circonstances, lors d’une prospection, par exemple, Ramon se serait arrêté pour profiter de la beauté du lieu et peut-être tremper ses pieds dans le fleuve. Au lieu de cela, son esprit bourdonnait d’une centaine de questions : son jumeau avait-il déjà construit un radeau pour filer vers le sud ? que ferait Maneck s’ils retrouvaient l’autre Ramon ? quelle était l’étendue du territoire d’un chupacabra

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